Le sens du devoir ?

Publié le par Nicolas

Le sens du devoir ?

On parle beaucoup du devoir et du respect - j'ai eu la chance d'assister à une conférence à Deauville sur le thème, voici ma réflexion sur le sujet. Le devoir simple c'est encore le devoir prochain. Une très commune faiblesse empêche bien des gens de trouver intéressant ce qui est tout près d'eux; ils ne le voient que par ses côtés mesquins. Le lointain au contraire les attire et les enchante. Ainsi se dépense inutilement une somme fabuleuse de bonne volonté. On se passionne pour l'humanité, pour le bien public, pour les lointains malheurs, marchant à travers la vie, les yeux fixés sur des objets merveilleux qui nous captivent là-bas aux confins de l'horizon, tandis qu'on marche sur les pieds des passants, ou qu'on les coudoie sans les remarquer. Singulière infirmité qui vous empêche de voir ceux qui sont là à vos côtés! Plusieurs ont fait des lectures étendues, de grands voyages; mais ils ne connaissent pas leurs concitoyens, grands ou petits; ils vivent grâce au concours d'une quantité d'êtres dont le sort leur demeure indifférent. Ni ceux qui les renseignent, les instruisent, les gouvernent, ni ceux qui les servent, les fournissent, les nourrissent n'ont jamais attiré leur attention. Qu'il y ait de l'ingratitude ou de l'imprévoyance à ne pas connaître ses ouvriers, ses domestiques, les quelques êtres enfin qui ont avec nous des relations sociales indispensables, cela ne leur est jamais venu à l'esprit. D'autres vont bien plus loin encore. Pour certaines femmes leur mari est un inconnu, et réciproquement. Il y a des parents qui ne connaissent pas leurs enfants. Leur développement, leurs pensées, les dangers qu'ils courent, les espérances qu'ils nourrissent sont pour eux un livre fermé. Bien des enfants ne connaissent pas leurs parents, n'ont jamais soupçonné leurs peines, leurs luttes, ni pénétré leurs intentions. Et je ne parle pas des mauvais ménages, de ces tristes milieux, où toutes les relations sont faussées, mais d'honnêtes familles composées de braves gens. Seulement tout ce monde est très absorbé. Chacun a son intérêt ailleurs qui lui prend tout son temps. Le devoir lointain, fort attirant, je n'en disconviens point, les réclame tout entiers et ils n'ont pas conscience du devoir prochain. Je crains qu'ils ne perdent leur peine. La base d'opération de chacun est le champ de son devoir immédiat. Négligez cette base et tout ce que vous entreprendrez au loin sera compromis. Soyez donc d'abord de votre pays, de votre ville, de votre maison, de votre église, de votre atelier, et, s'il se peut, partez de là pour aller au delà, c'est la marche simple et naturelle. Il faut que l'homme se munisse à grands frais de bien mauvaises raisons pour arriver à suivre la marche inverse. En tout cas, le résultat d'une si étrange confusion des devoirs est que plusieurs se mêlent d'une foule d'affaires sauf de ce qu'on est en droit de leur demander. Chacun s'occupe d'autre chose que de ce qui le regarde, est absent de son poste, ignore son métier. Voilà qui complique la vie. Il serait pourtant si simple que chacun s'occupât de ce qui le regarde. Autre forme du devoir simple. Lorsqu'un dommage est causé, qui doit le réparer?—Celui qui l'a fait. Cela est juste, mais cela n'est que théorie. Et la conséquence de cette théorie serait qu'il faudrait laisser subsister le mal jusqu'à ce que les malfaiteurs soient trouvés et l'aient réparé. Mais si on ne les trouve pas? Ou s'ils ne peuvent ni ne veulent réparer? Il pleut sur vos têtes par une tuile brisée, ou le vent pénètre chez vous par un carreau cassé. Attendrez-vous pour chercher le couvreur et le vitrier que vous ayez fait arrêter le casseur de tuile ou de carreau? Vous trouveriez cela absurde, n'est-ce pas? C'est pourtant une bien ordinaire pratique. Les enfants s'écrient avec indignation: «Ce n'est pas moi qui ai jeté cet objet, ce n'est pas moi qui le ramasserai!» Et la plupart des hommes raisonnent de même. C'est logique. Mais ce n'est pas cette logique-là qui fait marcher le monde. Ce qu'il faut au contraire savoir et ce que la vie vous répète tous les jours c'est que le dommage causé par les uns est réparé par les autres. Les uns détruisent, les autres édifient; les uns salissent, les autres nettoient; les uns attisent les querelles, les autres les apaisent; les uns font couler les larmes, les autres consolent; les uns vivent pour l'iniquité, les autres meurent pour la justice. Et c'est dans l'accomplissement de cette loi douloureuse qu'est le salut. Cela aussi est logique, mais de cette logique des faits qui fait pâlir celle des théories. La conclusion à tirer n'est pas douteuse. Un homme au cœur simple la tire ainsi: étant donné le mal, la grande affaire est de le réparer et de s'y mettre sur-le-champ; tant mieux si messieurs les malfaiteurs veulent bien contribuer à la réparation: mais l'expérience nous déconseille de trop compter sur leur concours. Pour en savoir plus, je vous renvoie sur le site de l'organisateur: http://www.agenceincentive.com/destinations/incentive-france/incentive-a-deauville/

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